En attendant la reprise du championnat belge, Grégoire Munster enchaine les rallyes à l’étranger. Après l’ERC, le pilote Hyundai s’est attaqué, le week-end dernier, au championnat du monde. Il était en effet présent au Rally Estonia où il termine 13e du WRC-3 au terme d’une course compliquée. Retour avec lui sur son week-end au volant de sa Hyundai i20 R5.
Pour commencer, comment s’est passé ta course ?
“Si on compte le vendredi, la première journée s’est plutôt bien passée. Par contre, le samedi c’était une longue journée avec deux boucles de cinq spéciales. Là, on a eu deux crevaisons dans chaque boucle, soit quatre crevaisons sur la journée. On a donc déjà perdu pas mal de temps. En plus, on les a eu en début de boucle. Il fallait donc faire attention dans les trois spéciales suivantes pour ne pas crever à nouveau. Notre rallye se serait alors arrêté là car nous n’avions plus de roues de réserves dans le coffre. Malgré ça, on termine la journée septième du WRC-3. Le lendemain, on s’est fixé comme objectif de rattraper Nicolas Ciamin qui est un peu connu en WRC-3. On avait réussi à le faire après trois spéciales. Malheureusement dans le second chrono de la deuxième boucle du dimanche, on casse un cadran en début de spéciale à la réception d’un saut. On perd donc énormément de temps dans la spéciale. Ensuite, on a dû mécaniquer pour enlever le cardan et ne pas faire plus de dégâts. On termine malgré tout le rallye. On a été jusqu’au bout. Maintenant, tout résultat correct a été perdu à ce moment-là.”
Une performance un peu faussée donc par ces différents soucis ?
“Effectivement. On avait réussi à dépasser Ciamin. On était donc sixième du WRC-3 et plus tard dans la journée un gars devant dans la catégorie est sorti. Ca nous aurait propulsés cinquième. Maintenant voilà, on ne refait pas le monde avec des si.”
Comment as-tu géré les différents soucis que tu as eux du week-end ?
“Quand on crève, souvent ça se ressent assez rapidement. La première réaction, c’est de demander au copilote combien de kilomètres il reste. On peut ainsi savoir si on sait aller au bout de la spéciale ou non. Ici, à chaque fois, c’était le cas. On sait qu’on va perdre du temps, mais il faut essayer de maximiser son effet pour en perdre le moins possible. Après, une crevaison à l’avant, ce n’est pas la même chose qu’à l’arrière. La voiture se comporte différemment. Mais, il faut surtout rester calme et concentrer pour essayer de perdre le moins de temps possible.”
Tu as aussi fait une petite cabriole en essais. Alors ça fait quoi de faire du deux roues avec une R5 ?
“(Rire, NDLR). L’une des particularités de ce rallye d’Estonie, c’est que c’était fort creusé. Quand on voit la vidéo de l’extérieur, on a un peu le temps d’analyser la chose. De l’intérieur, ça n’a duré qu’une fraction de seconde. On part donc en deux roues en rentrant dans la trace. La réaction qu’il faut avoir, c’est de contrebraquer le plus vite possible et, dans ce cas-ci, de remettre les gazes pour tirer la voiture vers l’avant. Au final, je pense qu’on s’en sort plutôt bien parce qu’on n’a pas fait un tonneau complet. Après, c’est sûr que quand on est posé sur le flanc on ne sait plus rien faire. C’est un peu emmerdant.”
Revenons à la course maintenant. Comment abordes-tu les différents jumps ?
“C’est toujours un peu difficile pour nous pilotes belges d’aller là-bas. Ce sont des terrains que l’on ne retrouve pas en Belgique. On a déjà tout simplement pas de terre. On n’a pas non plus de routes aussi rapides avec des verticales et des jumps souvent suivis d’un virage. C’est toujours donc difficile à noter et on essaie de faire au mieux. Ce qui est encore plus compliqué, c’est qu’en reconnaissance, on est aux alentours de 50-80 km/h. En course, on arrive dessus à 140. Ce n’est donc pas évident de savoir où on va retomber et quel angle de volant il faut mettre avant le sommet. Pour nous, ça s’est tout de même plutôt bien passé. On était assez content des notes qu’on avait faites. Après, au petit rallye de préparation, il y avait un jump et on était peut-être dix centimètres trop à gauche. Avec la vitesse et l’amplitude des jumps, on ne retombe pas toujours au bon endroit. C’est donc toujours un peu délicat.”
Timothy te demande sur notre Instagram : As-tu trouvé une ressemblance avec la Finlande et la Lettonie ?
“Le Liepaja, c’est aussi très rapide, mais ça tourne moins. Par rapport à la Finlande ou l’Estonie, c’est quand même assez rectiligne, je dirais. Par contre, la particularité, ici, c’était le fait que la route se creusait vraiment fort avec le passage des WRC. Bizarrement, on n’avait pas tellement ce phénomène au petit rallye de préparation qu’on a fait. C’était donc un peu la surprise du week-end. Maintenant, les rallyes qu’on avait faits juste avant nous ont bien aidé pour le rythme, se mettre dans les bonnes conditions et qu’elles soient représentatives.”
Ca t’a fait plaisir de retrouver les spéciales du mondial ?
“Il est clair que dès qu’on a l’opportunité de rouler sur des manches du mondial, on ne réfléchit pas. On a une chance énorme de pouvoir faire ce qu’on fait. Puis, outre le fait qu’on se donne à 100% et qu’on soit ultra concentré, on essaie de prendre du plaisir et de profiter. Etre de retour en WRC après une longue pause, c’était donc vraiment sympa. Après, on n’a pas eu une pause aussi grosse que tout le monde. On a en effet eu la chance de participer à certaines manches du championnat d’Europe avant.”
Effectivement, tu as quand même fait 4 rallyes depuis la reprise internationale à Rome.
“On a eu la chance d’enchainer les rallyes. C’est sûr que c’est tout bon pour le rythme et la confiance. D’autant plus qu’on a été au bout des spéciales et on a à chaque fois été à l’arrivée. Je pense que c’était surtout ce qui était le plus important pour nous avec la Hyundai. C’était à la base aussi ce qu’on voulait faire en WRC. C’était le premier objectif. Après, il est clair qu’on voulait essayer de faire un résultat. Malheureusement, avec les soucis qu’on a eux, ça n’a pas fonctionné. Malgré tout, on a fait tous les kilomètres de tous les rallyes auxquels on a participé cette année.”
Tu nous parlais de Nicolas Ciamin un peu avant, était-il ta référence sur ce rallye d’Estonie ?
“Moi, ma référence, c’est le plus rapide de la catégorie. C’est là où j’essaie de réduire les écarts. Maintenant, Ciamin, c’était plutôt un objectif pour le dimanche. Quand on a terminé la journée du samedi, on a regardé les écarts et ce qu’on avait perdu avec les crevaisons. Ciamin devait d’être à une vingtaine de secondes devant nous. Notre objectif était donc de le rattraper. Devant, c’était déjà un peu loin et ça allait du coup être compliqué de faire beaucoup mieux. Finalement, on a rattrapé Nicolas Ciamin après trois spéciales. Notre objectif était donc déjà atteint. Ensuite, on c’était fixé une nouvelle target. Après, il y a d’office une référence qu’on regarde, c’est le plus rapide en R5. C’est sur celui-ci qu’on se base et on essaye de le rattraper.”
Tu nous parlais la dernière fois de vouloir te montrer. L’objectif est-il atteint malgré tout ?
“J’aurais voulu faire encore un peu mieux en performance. Maintenant voilà, c’est sûr que sur la terre, même si on a eu pas mal de rythme ces derniers mois, on n’est pas du tout au niveau. Si on regarde Huttunen, Gryazin, Veiby ou encore Solberg, ils ont plus de 20 ou 30 rallyes sur la terre. On a donc toujours ce déficit en terme d’expérience. Il ne faut pas se voiler la face. Ca prend d’office du temps d’être devant. Je pense qu’on était plus ou moins là où on devait être. Après, en tant que perfectionniste et compétiteur, j’aurais voulu faire encore mieux.”
Finalement, en terme de performance pure, tu fais quand même un beau résultat face à ces pilotes bien plus expérimentés.
“Oui, exactement. Après ceux qui étaient de bons points de comparaison, c’était par exemple Nicolas Ciamin ou Yohan Rossel. Ils ont déjà fait des rallyes terres, mais pas autant que les autres, et ont quelques rallyes en R5 à leur actif. Ces deux français étaient donc pour nous de bons points de comparaison. Le dimanche, on était devant eux et je pense qu’on était là où on devait se situer. Malheureusement, le cardan nous a évidemment fait redescendre assez bas dans le classement. Jusque-là, l’objectif n’était encore rempli, mais on était bien parti pour en tout cas.”
Selon toi, quel est le charme de l’épreuve estonien ?
“Déjà, les très belles spéciales qui font un peu penser à la Finlande à la sauce estonienne évidemment. Ensuite, une organisation type top. Le rallye était super bien organisé et il avait en plus la tâche pas évidente de relancer le championnat WRC après la pause Covid. Et puis, on sent aussi, un peu comme en Finlande, que le rallye est le sport national. Les gens vivent pour ça. Certains sont arrêtés sur les liaisons ou campent sur place pour voir les voitures passer. Ca fait chaud au coeur de voir toutes ces personnes à fond derrière les pilotes et ce sport.”
De ton point de vue, l’Estonie pourrait-elle avoir sa place au calendrier du WRC dans les années à venir ?
“Je n’ai pas participé à énormément de manches du WRC. Après avoir été en Estonie, je peux toutefois clairement dire que l’organisation est au niveau des deux autres rallyes que j’ai déjà disputés. Le parcours est digne d’un rallye du championnat du monde. Cela ne m’étonnerait pas de peut-être le voir dans le futur rejoindre à nouveau le calendrier.”
Encore un tout grand merci à Grégoire Munster pour avoir pris de son temps pour répondre à nos questions.
Par Simon F
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