Le week-end dernier, Grégoire Munster était au départ de la troisième manche du championnat d’Europe. Dans des conditions météo complexes, le belge termine à une belle quatrième place et s’impose en ERC Junior. Retour avec lui sur son week-end au Rally Fafe Montelongo.
Pour commencer, comment s’est passée ta course ?
“Notre course s’est assez bien passée. Ce n’était toutefois pas évident avec les conditions météo qui étaient très changeantes. Il fallait souvent faire des choix de pneus qui n’étaient pas évidents et faire avec ensuite. Il y avait pas mal de choix différents chez les pilotes. Je pense que personne n’a fait les choix parfaits. Malgré tout, pour nous, ça s’est plutôt bien passé en règle générale. Je pense qu’on a su assez bien gérer ça, qu’on a donc fait un bon week-end.”
Les choix de pneus étaient donc le point le plus difficile à gérer sur ce rallye ?
“En Belgique on a aussi des conditions changeantes, mais ce qui était délicat c’était la température extérieure, ici, au Portugal. Elle était assez élevée et donc quand il ne pleuvait plus, la route séchait assez rapidement. C’était donc toujours un peu la question de savoir si ça avait séché ou pas dans les spéciales. Du coup, on prenait des options comme au Monte-Carlo où on croisait les pneus. On roulait avec deux pneus slicks et deux pneus pluies que l’on croisait (un de chaque à l’avant et l’opposé à l’arrière, NDLR). Ça déséquilibre un peu la voiture, mais ça permet d’avoir au moins deux bons pneus sur les quatre quand tu t’élances dans la spéciale. Ainsi, s’il fait sec et que tu as quatre pneus pluies, tu remplaces par deux slicks. Ce n’est pas parfait, mais c’est déjà un peu mieux.”
Pourquoi croiser les pneus plutôt que de les mettre sur le même train ?
“Tu pourrais le faire. Maintenant très peu de personnes le font. Imaginons que la spéciale est toute mouillée. Si tu mets tes deux pneus pluies devant, ça va te donner un très bon train avant. En revanche, ton train arrière n’aura pas du tout de grip et il sera à chaque fois déstabilisé. Tu vas donc faire des grandes glisses parce qu’il n’a aucun grip. A l’inverse, si tu croises, tu auras aussi un déséquilibre. Mais, là, ton train avant ou arrière ne va pas décrocher subitement. Quand tu croises, tu as aussi du déséquilibre. Quand tu vas tourner, tu vas soit avoir du sous-virage, soit du sur-virage en fonction d’où tu as mis tes pneus et de la route. Si tu mets les deux mêmes pneus sur le même train, tu aura soit un arrière qui décroche tout le temps, soit un avant qui provoque du sous-virage car ils n’ont jamais de grip.”
Le fait de croiser est donc une solution plus efficace ?
“Le seul truc, c’est que si tu places les deux mêmes pneus sur le même train, tu auras toujours le même ressenti que tu tournes à gauche ou à droite. Si, par exemple, tu as tes deux pneus slicks à l’arrière et qu’il pleut, tu auras toujours du sur-virage. Tu seras donc toujours en glisse et tu pourrais donc t’y attendre. Mais c’est efficace de croiser, même si ça provoque un déséquilibre. Il faut juste bien se mettre en tête que quand tu vas tourner dans un sens tu vas sous-virer et dans l’autre tu vas sur-virer. Ça reste de manière générale plus efficace. Le seul problème, c’est que ce serait évidemment plus facilement mentalement de rouler avec les mêmes pneus sur le même train. Tu dois moins réfléchir parce que tu sais que tu vas tout le temps décrocher de l’arrière ou de l’avant en fonction de tes pneus. En croisant, tu dois toujours un peu réfléchir. Car s’il arrête de pleuvoir et qu’avec la température ça sèche assez vite, ton déséquilibre sera inversé. Et donc, là où au début, quand il pleuvait, tu savais que si tu tournais à gauche ça allait glisser avec ton pneu slick mis à gauche, maintenant c’est l’inverse. Ton sur-virage devient donc du sous-virage. Du coup, tu dois toujours avoir ça en tête quand tu roules. Surtout que parfois, tu as des spéciales qui sont sèches, mais où certaines portions à l’ombre avec les arbres restent humides. C’est une technique très connue au Monte-Carlo avec son mélange de portions asphaltes, de neige et de glace. Ici, on devait le faire aussi car on avait des spéciales très exposées et donc toutes sèches et d’autres dans les sous-bois et donc assez humides.”
Revenons maintenant sur ta course. Samedi tu as été en bagarre face à Herczig et Llarena et tu termines la journée devant eux. Qu’est-ce qui a fait la différence ?
“Dans la première boucle, on est parti un peu prudemment, mais c’était pas mal vu les conditions. Dans la deuxième, on était toujours trop prudent en restant en pneus pluies, alors que tout était sec. On a eu un peu plus de mal. Puis dans la dernière boucle, là, on a fait un choix de pneus assez optimiste et finalement ça a payé. On a su faire la différence et signer un très bon temps dans la dernière spéciale. Du coup, on n’est pas mal revenu au classement et c’était de bon augure pour la journée du dimanche. Maintenant, c’était de temps en temps la loterie. Tu pouvais être au service et il pleuvait, mais il n’y avait pas de nuage à la météo. Du coup, tu partais en slick, mais pour le même prix, il pleuvait sur la spéciale. Il fallait donc vraiment prendre des décisions et c’est ça qui a un peu fait le rallye.”
Dimanche tu étais isolé au classement. C’était quoi ton objectif à ce moment-là ?
“Quand on a commencé la deuxième journée, c’était très clair pour nous que nous n’avions fait que la moitié du rallye. Donc rien n’était encore fait, surtout avec les conditions et le fait que c’était piégeux. La première boucle on a roulé comme le premier jour. On a fait un deuxième temps général puis un troisième temps plus tard dans la journée. On était un peu parti sur le même objectif que la veille, c’est-à-dire, rouler vite car en ERC il faut tout le temps aller vite. C’est seulement à partir de la troisième qu’on s’est dit qu’il ne fallait pas prendre trop de risques. Devant, ils étaient trop loin, et derrière, on avait réussi à créer un bon écart. Du coup, on s’est dit qu’on n’allait pas prendre de risques. Mais, finalement, on s’est rendu compte qu’on faisait partie de ceux qui avaient fait le choix de pneus le plus optimiste. On avait mis quatre slicks et on avait deux pluies dans le coffre, alors que tout le monde était avec des pneus pluies. Sur la ligne de départ de la première, il s’est mis à pleuvoir. On a donc croisé les pneus pour les trois spéciales restantes et on a vraiment assuré le coup parce qu’on n’avait pas de bons pneus comparé aux autres. On a préféré faire des septièmes et des huitièmes temps et sécurisé la victoire en Junior. On avait peu de choses à gagner en plus, mais beaucoup à perdre en cas d’erreur ou d’une bête crevaison.”
Première victoire en ERC Junior, ça fait quoi de gagner ?
“En tant que compétiteur, ce n’est pas vraiment comme si on avait gagné puisqu’on termine quatrième du rallye. Maintenant, ce n’est pas mal d’avoir gagné la catégorie Junior. Je pense que pour notre troisième participation à une manche de l’ERC avec une R5, c’est déjà pas mal. Ce n’est pas que je suis surpris de notre performance, mais en rallye, il faut énormément d’expérience et de connaissances. Après, ici, c’était encore spécial car c’était un nouveau rallye pour tout le monde. Après, je pense qu’il y a pas mal de pilotes qui connaissent bien leur voiture, qui ont pas mal de rallyes en championnat d’Europe et qui sont des habitués. Faire quatrième au général et premier en Junior, c’est quand même fort positif. Surtout quand on voit que le premier de l’ERC Junior, c’est Oliver Solberg. Il est quand même, selon beaucoup de monde, une future star du WRC. Etre deuxième du championnat derrière lui, c’est tout bonus et puis au général on fait une aussi une bonne opération. On passe en effet à la troisième place de l’ERC pour notre première année dans le championnat. Ce n’est pas mal.”
Comme tu l’as dit, tu es deuxième du championnat Junior à 7 points de Solberg. Tu seras donc en Hongrie ?
“Oui exactement. On sera présent en Hongrie pour essayer de jouer ce championnat. On sera également, évidemment, à Spa pour combiner la finale du championnat belge à celle du championnat d’Europe. C’est tout bon pour nous. Il y a déjà cinq des six manches du championnat d’Europe qui sont sûres pour nous. Pour ce qui est des Canaries, cela dépendra de notre résultat en Hongrie.”
Du coup, quel sera ton objectif sur cette prochaine manche de l’ERC ?
“L’année passée ce rallye a déjà été disputé, mais pour nous ce sera tout nouveau. Après, voilà, notre objectif c’est évidemment de gagner en Junior et de faire le mieux possible au général. Maintenant, ça va être fort compliqué comme quand on a commencé, ici, au Portugal. Notre objectif s’est de se rapprocher de Solberg car je pense que c’est le gars le plus prometteur dans le championnat. Si on arrive à se rapprocher d’un gars comme lui, c’est tout bénéf.”
Question de Manon sur notre Instagram : Après plusieurs rallyes sur terre, ça n’a pas été trop compliqué de revenir à l’asphalte ?
“Ce n’est pas ultra compliqué, mais c’est vrai qu’il y a toujours un petit temps d’adaptation. Quand on a testé, il faisait très très sec et il faut savoir que le grip, là-bas, est très élevé. Quand tu roules sur terre, tes angles de volant sont plus importants et tu as un petit temps de réaction. Tu as toujours un petit temps entre le moment où tu donnes ton coup de volant et le moment où l’arrière se place. Il faut le temps que le contact se fasse entre les pneus et la surface. Sur l’asphalte avec du bon grip et des pneus durs, c’est très réactif. Un peu comme dans un kart. Après, c’est sûr que tu as un petit temps d’adaptation, mais les automatismes reviennent vite. De plus, je trouve que c’est vraiment bien de pouvoir switcher d’une surface à l’autre. C’est justement là que tu deviens beaucoup plus complet. C’est un bon exercice.”
En ce qui concerne le format du rallye, celui-ci était un peu particulier avec trois boucles, contre deux habituellement. Est-ce que c’est un format qui te plait ?
“Personnellement, moi je ne suis pas du tout fan de ce genre de format à trois boucles. Les pilotes, après deux passages, connaissent les spéciales. Les écarts sont donc ultra-réduits et, pour moi, ça devient presque plus du circuit que du rallye. Ca me fait un peu penser au TAC Rally en Belgique où tu fais presque quatre boucles. Je ne trouve pas c’est très intéressant. Le rallye c’est surtout un sport où tu as pas mal de place pour l’improvisation, et où tu roules beaucoup avec les notes. Et comme tu ne fais que deux passages en reconnaissance, tu as toujours ce petit facteur d’inconnu. Je trouve que c’est ça qui est très intéressant dans le rallye. Du coup, quand tu fais trois boucles ce facteur est d’office beaucoup moins présent. Maintenant, les conditions changeaient pas mal au Portugal. Ce facteur de connaissance du parcours était donc quand même réduit. Ça a rendu les choses un peu plus intéressantes.”
Pour finir, ce week-end, tu seras à l’AAROVA Rally. Quelles sont tes ambitions pour la reprise du championnat belge ?
“On a vraiment hâte d’être de retour en Belgique pour évidemment mettre à profit tout ce qu’on a appris. On connait déjà beaucoup mieux la voiture que quand on a commencé à l’Haspengouw. Maintenant, la Belgique reste un terrain fort atypique avec son grip très faible et ses cordes souvent inutiles, mais que tout le monde prend et qui salissent pas mal la route. Ça rend toujours les choses assez compliquées et piégeuses donc ça va être intéressant. Après, là où on manque un peu d’expérience, c’est au niveau du set-up. Mis à part l’haspengouw, on n’a jamais roulé avec la voiture en Belgique. Si tu prends des gars comme Bedoret par exemple. Ce sont des pilotes habitués et qui ont déjà roulé l’année passée avec leur voiture. Ils auront donc l’avantage de déjà connaitre beaucoup mieux leur monture dans ces conditions. Nous on ne pourra que se baser sur l’Haspengouw qui était une découverte pour nous avec la Hyundai. On va donc devoir travailler là-dessus ce week-end. Du coup, l’objectif sera surtout d’améliorer le set-up pour pouvoir être présent sur les prochaines manches du BRC. Ce, même, si on veut évidemment y faire un résultat.”
Encore un tout grand merci à Grégoire Munster pour avoir pris de son temps pour répondre à nos questions.
Par Simon F
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